Rue du Théâtre

"Conteur tendre qui met le public dans sa poche, le rire sur les lèvres, la stupéfaction dans les yeux."


Autobiografie tendre d'un joueur de cartes


Luc Apers est manipulateur de cartes hors pair(e). Il est aussi conteur tendre qui met le public dans sa poche, le rire sur les lèvres, la stupéfaction dans les yeux.

Avec un soupçon d’accent flamand qui donne à son récit une pointe d’exotisme, Luc Apers se lance dans l’autobiographie d’un petit garçon ayant un jour découvert la manipulation des cartes. Avec démonstration à l’appui, il prouve que la réalité n’est pas toujours ce qu’on croit voir et que l’illusion n’est jamais que la part invisible de la réalité.

 

Faussement didactique, il explique sans expliquer que l’impossible devient possible à condition d’y croire et de s’entraîner. Mécaniquement, il mélange, remélange et remet en ordre croissant n’importe quel jeu. Flegmatiquement, il met une carte en orbite autour de ses hanches. Malicieusement, il persuade qu’il n’y a rien alors même qu’il y a quelque chose tout en prouvant, avec brio, que s’il y a quelque chose c’est bien entendu parce qu’il n’y a rien. En somme, il est à la prestidigitation ce qu’Ionesco est pour le langage.

 

HUMOUR DISTANCIÉ POUR TOURS ÉPOUSTOUFLANTS

 

Guère de nouveau dans tout cela ? Guère plus que ce que montre la télé aux amateurs du « Plus grand cabaret du monde » ? Voire ! Tout ici est subtil et les transferts les plus incroyables, les combinaisons les plus inattendues, les chutes les moins conventionnelles, les apparitions les moins probables s’enchaînent sans esbroufe.

 

Chaque tour naît d’une manière tellement naturelle que la virtuosité omniprésente ne s’impose pas comme telle. Le discours est détaché, humoristique, pétri d’autodérision, donc à mille lieues de toute prétention. L’absurde devient logique. La logique, elle, devient caduque.

 

Et si Luc Apers sacrifie à la tradition de la complicité avec le public, il évite soigneusement de s’aventurer vers le rudimentaire concassage de la tête de Turc, victime caricaturée en vue de susciter le rire d’autrui. Au contraire, la connivence s’établit avec une sorte de tendresse, d’égalité. Le rire, dès lors est spontané, libérateur, dépourvu d’arrière pensée.

 

Le spectateur sort de la salle détendu, heureux parce qu’il vient de vivre un moment de retour à l’émerveillement d’une enfance ludique. Sans oublier qu’il n’a rien perdu des manipulations puisqu’elles lui sont montrées en direct sur grand écran. Vrai, par ces chaleurs, par ces temps de stress, un spectacle oasis avec ses mirages et sa source désaltérante.

 

(Michel VOITURIER, Avignon

source: www.ruedutheatre.eu)